Vendredi, les commerçants des marchés de Moroni s’étonnaient encore de l’absence des opérations de nettoyage et de désinfection promis par le préfet, mercredi, en contrepartie d’une réduction des horaires d’ouverture. Ils ont été entendus. Les marchés seront fermés ce dimanche 29 mars.
Bien qu’autorisés à poursuivre leur activité – contrairement aux écoles et aux mosquées qui ont dû fermer leurs portes – les marchés de Moroni sont, eux aussi, mis à contribution dans la bataille préventive que livre le pays contre le coronavirus. Depuis le mercredi 25 mars, sur décision du préfet du centre, Salim Mohamed Soilihi, les marchés de Moroni, Volo-Volo et Petit marché ont réduit leurs heures d’ouverture.
Les commerçants sont toujours autorisés à commencer à 6 h mais sont désormais priés de faire place nette à 16 h, chaque jour, pour permettre aux agents de la sécurité civile de nettoyer et de désinfecter les lieux.
“Ça ressemble à un marché nettoyé ?”
A Volo-Volo, les commerçants interrogés se disent convaincus par l’intérêt de ces mesures préventives. “C’est pour notre bien. Nous nous devons de les appliqués”, affirme Abas Ali Abdallah. En revanche, « ce qu’on n’arrive pas à comprendre, c’est que cela fait déjà deux jours que nous partons à 16 h, et qu’aucun nettoyage n’a été fait. Regardez. Est-ce que cela ressemble à un marché nettoyé et désinfecté ? », interroge-t-il, en balayant du bras le lieu rempli de monde en ce vendredi 27 mars.
A côté de la Meck-Moroni, des femmes qui vendent leurs produits confirment. « Ici, c’est nous qui nettoyons. Les forces de l’ordre viennent là à 13 h 30. “Namhanuwé” (1), disent-il. C’est tout ce qu’ils font. » Une autre ajoute : « Cette place où nous sommes assises, c’est nous qui l’avons astiquée ce matin. Là, ce sont nos ordures du jour, et on va les ramener chez nous tout à l’heure. Je ne sais pas où ils nettoient, mais pas ici en tout cas. »
Même constat au Petit marché. Les commerçants et les commerçantes ne comprennent pas pourquoi on leur demande de débarrasser leurs étals à 15 h. « Lorsque nous revenons le matin, aucun lavage n’est fait. Regardez cette benne et ces montagnes d’ordures. Ce n’est pas nettoyé », dit une femme qui a disposé un tapis au sol pour vendre ses bananes.
Une grande opération de nettoyage dimanche
Un retard dans la mise en route qui s’explique, peut-être, par une certaine cacophonie dans la mise en oeuvre des opérations.
Dans son communiqué, le préfet indique que le Cosep est responsable des opérations de nettoyage. Interrogé vendredi, Mohamed Djouneid, conseiller technique du directeur de la Société civile, indique que la tâche incombe à l’Armée nationale du développement (AND), la Mairie de Moroni et le Croissant Rouge. “La Société civile est appelée en renfort.” Mais pour l’heure, « nous attendons que la Mairie nous présente un plan d’action pour commencer le travail. Je pense que ce sera pour la semaine prochaine », dit-il.
Anlawiya Mhoudinne, conseillère à la mairie, assure ne pas avoir été associée à cette prise de décision. « On nous a juste cités, mais on ne nous a jamais associés à ce travail. On ne nous a ni informés, ni invités à une réunion. Normalement, pour un travail de cet envergure, on aurait dû nous inviter car c’est nous qui avons la main d’œuvre technique capable de le réaliser. Mais nous avons juste appris cette décision comme ça », affirme-t-elle.
Le Croissant rouge estime, lui aussi, que cette mission est du ressort de la mairie de Moroni. « Ce sont des choses qui se planifient. Nous ne nous sommes pas encore prononcés sur la question. Cela demande des moyens que nous n’avons pas encore. D’ailleurs, ce n’est pas de notre responsabilité mais celle de la mairie de Moroni. »
Visiblement, les choses ont été clarifiées. Ce samedi 28 mars, le lendemain de notre reportage, le ministère de l’Intérieur a annoncé, dans un communiqué, que les marchés de Moroni (Volo-Volo et Petit marché) seront fermés ce dimanche 29 mars pour des opérations de nettoyage et de désinfection, qui débuteront à 9 h.
Des inquiétudes et des priorités
Une bonne nouvelle pour les commerçants qui, au-delà de la sécurité sanitaire, doivent aussi faire face aux conséquences économiques de la réduction des horaires d’ouverture. Bien que touchés au portefeuille, certains se disent rassurés que le gouvernement pense à leur sécurité d’abord. C’est le cas de Djohar Mnemoi, vendeur de vêtements : « Nous sommes dans une période spéciale. Et à chaque fois qu’un pays est en crise, il y a toujours des problèmes financiers. Avant ces mesures, je vendais mes produits chaque jour. Depuis la prise des premières mesures d’interdiction de rassemblement, grands mariages et fêtes, les clients se font rares. C’est dur, mais on espère que la situation ne va pas empirer. »
Les femmes du côté de Meck-Moroni font confiance à leur bonne étoile. « Nous sommes-là depuis 6 h du matin. En général, à 16 h, le marché est presque terminé pour nous. Nous rentrons dans nos villages. Nous sommes bénies des dieux. Nos clients sont toujours là, heureusement », confient-elles.
Mais au Petit marché, Bouhar, vendeur de poissons, est moins compréhensif. « C’est à 15 h que le marché bat son plein. Et on vient nous demander de fermer à cette heure-là. Le gouvernement devrait nous couvrir dans ce cas. Avec quel moyens ils pensent que nous allons pouvoir vivre ? Quel accompagnement propose-t-il ? » En colère, il ajoute : « C’est bien de prendre des mesures. Mais s’il voulait vraiment nous protéger, pourquoi, il ne nous envoie pas des masques de protection ? Pourquoi, ne vient-il pas ici réguler la distanciation d’un mètre entre les clients? »
D’autres réponses seront certainement apportées dans les prochains jours.
Hayatte Abdou
(1) “Ramassez”.
