Jaloux, il assassine sa femme : un Comorien condamné à la peine de mort

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Le procès a eu lieu mardi 6 octobre, au palais de justice de Moroni, devant une salle d’audience pleine à craquer.

Mardi 6 octobre, à Moroni, la cour d’assises comorienne a reconnu Chamssoudine Mmadi Said, alias Muwo Wa Mboi, coupable de l’assassinat de son épouse et mère de ses enfants, Amina, tuée en juin 2019 de deux coups de couteau. Elle a retenu la préméditation et prononcé la peine capitale.

Nous sommes le 12 juin 2019. Chamssoudine Mmadi Said, alias Muwo Wa Mboi, rentre chez lui pour retrouver sa femme et ses enfants, après une journée de travail à Vouvouni dans la région de Bambao. L’homme de 29 ans est maçon mais n’a pas d’activité régulière. Il travaille au jour le jour.

Sa femme, Amina Barwan Msahazi, l’attend tranquillement à leur domicile situé à Moroni-Coulée. A son arrivée, il demande s’il y a à manger. Oui, lui répond sa femme, mais elle préférerait des ailes de poulet grillées. Chamssoudine lui donne de l’argent pour qu’elle aille en acheter.

Deux heures plus tard, elle n’est toujours pas rentrée. Le mari part à sa recherche. Il la trouve à proximité de la chambre de commerce de Ngazidja à Moroni-Coulée, pas très loin de l’école franco-arabe du Mahad. Il lui demande de vite rentrer à la maison. “ J’ai attendu, attendu, et elle ne rentrait pas.” Il commence à s’impatienter et décide encore une fois de partir à sa recherche. Cette fois, il part à contre-sens, sur la route qui mène vers le rond-point de Coulée. Arrivé à hauteur du Madrass Ahli Suna, “ je la vois sortir d’un taxi. J’étais choqué”, affirme l’accusé. Ils rentrent ensemble à la maison.

Chamssoudine fait une crise de jalousie. Il l’accuse de le tromper avec d’autres hommes. Amina se fâche. Après explications, les deux époux se calment et ont un rapport. “ Je voulais apaiser les tensions”, affirme-t-il. Mais soudain, il la jette par terre, s’empare d’un couteau qui se trouve sur la table, l’immobilise avec la main gauche en appuyant sur son cou. De sa main droite, il enfonce la lame dans la poitrine d’Amina, la retire et la plante une nouvelle fois dans les côtes. L’autopsie relèvera une plaie de 40 cm au niveau de la poitrine. 

Alors que sa femme appelle à l’aide, leur fils, présent dans la chambre d’à-côté, veut lui porter secours. Mais le père lui ordonne de “la fermer” et de rester à l’intérieur. Lorsque le voisin Amdjad, alerté par les cris, vient frapper à la porte, Chamssoudine lui dit qu’il ne peut pas ouvrir car ils sont nus. Il‡ soulève sa femme agonisante et la remet au lit. Avec son téléphone, il prend une dizaine de photos de l’appareil génital d’Amina comme un trophée, puis accourt chez son beau-père et son beau-frère et leur affirme que leur fille et sœur s’est suicidée.

Vivre dans le déni 

Mardi 6 octobre 2020, presque un an et demi après les faits, Chamssoudine Mmadi Said, du haut de son 1,60 m, fait face à la cour d’assises présidée par le juge Omar Ben Ali et composée de neuf  jurés. Il porte un pantalon beige foncé, un pull-over aux motifs militaires, un bonnet en forme de kippa, des tongs et un masque jaune, mesure de prévention contre le covid oblige. Défendu par Me Said Issa, il comparait pour l’assassinat de sa femme et mère de ses enfants. Le procureur général Ahamada Djaé soutient qu’il y a eu préméditation. Il ne mâche pas ses mots en relatant les faits. Un silence assourdissant règne dans la salle d’audience pleine à craquer. 

Chamssoudine Said prend la parole et commence par  questionner la cour : “Pourquoi Dieu est-il capable de pardonner mais pas les hommes ?” Un torrent d’insultes se déverse sur l’accusé. Le président de la cour tape sur la table et ordonne le silence à l’assistance. L’accusé prend Dieu à témoin dans ses déclarations. Toutefois, frappé par une amnésie partielle, il ne reconnaît pas les faits ou seulement partiellement. Dans sa tête, il n’est pas question d’assassinat ou de meurtre. Pour lui, sa femme s’est suicidée. A chaque fois que le procureur général revient sur un détail, il répond : “Je ne me souviens pas.” Il soutient sa théorie du suicide, cette même version qu’il a livrée à sa belle-famille le soir où sa femme est décédée. “Ma femme voulait s’étrangler avec le fil du chargeur du téléphone. Je le lui ai pris. C’est elle qui a saisi le couteau pour se tuer avant que je le lui prenne des mains.”

Il ne se souvient pas non plus d’avoir pris des photos de l’appareil génital de sa femme agonissante. Lorsque le président lui demande la cause de cette folie meurtrière, il déclare : “Vous ne voulez pas comprendre Monsieur le Président, que ma femme est sortie de la maison pour aller coucher avec d’autres hommes. Vous pensez que si elle fait l’amour avec d’autres hommes, elle va accepter de le faire avec moi ? Non, elle sera fatiguée.” Paradoxalement, il affirme ne pas savoir ce que sa femme a fait pendant le temps qu’elle est sortie de la maison. “Seul Dieu peut en témoigner”, dit-il. 

Aucun regret

Face à l’insistance du président de la cour, Omar Ben Ali, Chamssoudine finit par reconnaître : “Oui, je l’ai tuée car je l’ai soupçonnée de coucher avec d’autres hommes et qu’elle avait refusé de le faire avec moi.”

“Pourquoi personne ne se souvient de tout le bien que je lui ai apporté ? Pourquoi personne n’en parle ?”, questionne l’accusé. Cherchant tout le temps à se justifier, voire à occulter certains faits, Chamssoudine, à aucun moment dans ses déclarations, ne montre des regrets. Il demande toutefois pardon à la cour et lui présente ses excuses. “Comment Dieu va-t-il me pardonner ? C’est aussi bien si les hommes pouvaient le faire.” Hors de question pour le père de la victime présent dans la salle d’audience. Lui est catégorique. Pas d’excuse, ni de pardon pour l’homme qui a assassiné sa fille. La voix tremblante, Barwan Msahazi assène sa sentence : “Si ma fille était à l’hôpital, peut-être aurais-je envisagé le pardon. Mais comme il l’a tuée, je veux qu’il meurt.”

L’avocat de la partie civile, Me Mohamed Fahardine, insiste sur les “mensonges” de l’accusé et la préméditation de l’acte. Après avoir commis son crime, Chamssoudine aurait ainsi déclaré à ses voisins : “Ces femmes nous traitent avec mépris. On va toutes les tuer.” Pour étayer sa thèse de la préméditation, Me Mohamed Fahardine poursuit : “Il a dit à sa femme : tu as oublié le couteau, tu ne l’as pas ramassé. Elle ne pouvait pas savoir que c’était un piège. Après son crime, il a nettoyé le sang par terre et a jeté l’arme dans les toilettes.” Il réclame la peine de mort. “Je demande à ce que les articles 280-287 du Code pénal soient appliqués. Œil pour œil, dent pour dent et vie pour vie. La peine de mort est toujours applicable aux Comores. Nous la recommandons car à aucun moment l’accusé n’a montré ni n’a avoué regretter son crime.” Le procureur général, Ahamada Djaé, demande lui aussi la peine capitale. 

L’avocat de la défense, Me Said Issa, n’a pas essayé de laver son client de son crime, ni plaider le crime passionnel. S’il est certain que son client a bien tué sa femme, il réfute la préméditation afin de lui éviter la peine capitale. “ Rien ne démontre que Chamssoudine a prémédité son acte ou a tendu un guet-apens à sa femme.” Il rappelle que ce n’est pas la première fois qu’une affaire de ce genre est jugée, et que lorsque le coupable est exécuté, sa famille se venge. Il ajoute : “Notre pays a signé beaucoup de traités sur la convention des Droits de l’Homme. Notre constitution s’y réfère. Dans son article 20, il est écrit que l’intégrité physique et morale d’une personne est inviolable. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements cruels, dégradants ou inhumains.”

Dans sa dernière intervention, Chamssoudine dira : “Celui qui n’a pas gagné l’autre rive ne doit pas se moquer de celui qui se noie.” Peine perdue. Un peu plus tard, la cour d’assises le reconnaît coupable et le condamne à la peine de mort. Sa vie est désormais en suspens.

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