Le Dr Ben Imani et Mohamed Moussa, enseignant-chercheur de l’université des Comores, font partie du comité scientifique qui conseille le président et ses ministres sur la gestion de la crise du coronavirus.
Alors qu’aucun cas de Covid-19 n’a été détecté sur le territoire des Comores, le pays multiplie les mesures et les appels au respect des gestes préventifs. Car si pandémie il y a, selon le Dr Ben Imani Issa et l’enseignant chercheur de l’Université des Comores, Moussa Mohamed, tous les deux membres du comité scientifique, le pays pourra faire face mais jusqu’à un certain point.
Vendredi 27 mars, pour répondre aux rumeurs, le ministère de la Santé a assuré, dans un communiqué, qu’aucun cas de Covid-19 n’a été détecté par ses services de santé sur le territoire des Comores. Sur quoi basez-vous cette affirmation ?
Nous ne pouvons pas vous donnez des preuves scientifiques, si c’est ce que vous nous demandez. Pour avoir des cas de Covid-19 avérés, il faut pratiquer des tests de détection. Seul un résultat positif peut nous dire que nous sommes en face d’un cas de coronavirus. Or, à l’heure actuelle, nous ne disposons pas encore du matériel.
Ces tests doivent être pratiqués lorsqu’il y a de fortes suspicions, en raison de la présence de symptômes, du contexte et de l’environnement dans lequel la personne testée a évolué. Les personnes qui reviennent des pays fortement touchés par la pandémie sont mises en quarantaine. Nous contrôlons leur état de santé.
Grâce au milliardaire chinois, Jack Ma, nous avons reçu les réactifs qui nous permettrons de réaliser 20 000 tests de détection du coronavirus. Nous n’avons pas encore la machine, mais on espère qu’elle sera bientôt aux Comores, même si nous souhaitons ne pas avoir à l’utiliser.
Mais ne pas avoir de tests positifs ne veut pas dire que le virus ne circule pas ?
Il est très possible que nous ayons des porteurs sains. Et dans ce cas, nous ne pouvons ni le confirmer, ni l’infirmer. C’est pour cela que nous devons appliquer certaines mesures de distanciation comme rester à un mètre de son interlocuteur. Si nous ne pouvons pas le faire, c’est mieux de porter des masques. Nous devons considérer toute personne à côté de nous comme suspect.
Depuis le 16 mars, le président Assoumani et ses ministres, sur les recommandations du comité scientifique, ont pris un certains nombre de mesures, la dernière en date étant la fermeture des mosquées et l’interdiction des prières collectives. Certaines personnes, notamment sur les réseaux sociaux, jugent ces mesures excessives au regard de l’absence déclarée de cas sur le territoire. Que leur répondez-vous ?
Mieux vaut prévenir que guérir. Ces mesures sont très importantes. Nous avons appris des autres pays, et notamment de nos voisins comme Madagascar. Nous espérons ne pas en arriver au confinement total comme dans tant d’autres. L’erreur aurait été d’attendre que nous détections un cas ou deux pour se dire que là, il faut prendre des mesures préventives. Il serait trop tard malheureusement. Toutes ces protections nous permettraient, si jamais cette pandémie touche notre territoire, d’avoir le contrôle de la situation.
De quoi disposent concrètement les hôpitaux des trois îles pour soigner les personnes qui pourraient être atteinte du Covid-19 ?
Notre plus grand problème, c’est la capacité d’accueil insuffisante en réanimation. Nos quatre hôpitaux disposent en tout et pour tout de 34 lits de réanimation : 9 à Samba, 12 à El-Maarouf, 10 lits à Anjouan, et trois lits à l’hôpital de Fomboni à Mohéli. Les malades gravement atteints seront envoyés à Samba.
Evidemment, le personnel soignant est actuellement capable de prendre en charge les malades. Mais en cas d’explosion de la maladie, nous aurons de graves problèmes. C’est pour cela qu’il est important d’appliquer les mesures préventives, même si, encore une fois, nous nous préparons. On ne va pas vous mentir, nous sommes dans une période spéciale. Toutes nos capacités sont mises à l’épreuve. Faisons en sorte que nous n’ayons pas à subir ce que subissent les pays voisins et amis.
La fourniture des hôpitaux en oxygène a toujours été un défi, particulièrement à l’hôpital de référence El-Maarouf. Qu’en est-il durant cette période compliquée ?
Nous ne devrions pas avoir de problème de ce côté. L’oxygène que nous utilisons dans les hôpitaux est fabriqué sur place. Certes, nous n’avons pas tout ce qu’il nous faut en cette période, mais nous avons fait nos doléances et recommandations et listé nos besoins auprès du gouvernement. Nous attendons du matériel. Je pense que l’Etat sera capable de fournir le nécessaire en cas de besoin.
(1) Le comité scientifique est présidé par le Dr Said Ahamada Fazul, directeur de l’Agence nationale des médicaments.